Lunettes Anti Laser
Sécurité Une expérience à Bâle convainc les responsables de s’équiper contre les pointeurs lumineux.
La police vaudoise «analyse ce qui se fait, et ce qui est proposé»; elle «pense acquérir de telles lunettes», indique son porte-parole, Dominique Glur. Les lunettes de protection contre les acheter laser vert puissant pourraient se répandre en terres romandes. Les agressions au moyen de ces stylos lumineux défraient régulièrement la chronique, et les polices, à l’instar de certaines compagnies de transports publics, veulent tenter de s’en prémunir.
Le propos vaudois est encore prudent, car les expériences sont récentes. Mais dans le canton, le phénomène n’est pas minime. Fin 2014, la police a répertorié une centaine de cas déclarés, quelles que soient les victimes – le plus souvent des chauffeurs de bus et des policiers. Mi-décembre, les transports publics de la région lausannoise (TL) ont fait état d’une hausse de ces agressions: 22 cas en 2014, à rapporter aux six attaques des années précédentes. La comparaison est toutefois biaisée, nuance la porte-parole Valérie Maire: «Désormais, nous incitons beaucoup plus les chauffeurs à faire remonter les cas. Ils les signalent plus volontiers.» Reste que ce total de 22 incidents, dans lesquels le chauffeur a dû arrêter son bus, a de quoi impressionner.
Achetés le plus souvent sur le Web en profitant de l’anonymat des livraisons, ces pointeurs se révèlent parfois puissants. La frappe du viseur laser airsoft sur l’œil peut être violente, et douloureuse. Dans certaines situations, elle occasionne une perte d’acuité visuelle et des maux chroniques. Au sein des syndicats de chauffeurs, on parle également de troubles psychologiques, le conducteur restant marqué par la perte de contrôle qu’il a pu endurer. Mi-décembre, lors d’émeutes à Zurich, des manifestants ont ajouté les pointeurs laser à leur attirail, en sus des jets de pierres et des pétards. Le fait a ému dans la ville.
La police de Bâle-Ville a démarré une expérience pilote à la fin de l’année 2013, en achetant un millier de pièces à 200 francs la paire. Alors, les membres des forces de l’ordre avaient subi plusieurs agressions qui les avaient exaspérés, notamment avant ou au terme de matches de football. Récemment un porte-parole de la police bâloise a indiqué que l’expérience est jugée «bonne», «les policiers sont bien protégés». Par nature, puisqu’il s’agit de menaces esquivées, il est difficile de citer des cas concrets, mais les autorités bâloises évoquent une baisse des plaintes de la part de leurs agents, sans mentionner de chiffre. Les pompiers de Bâle ont également reçu leurs paires de lunettes.
Il y a un mois, les polices zurichoises, à la fois du canton, de la capitale et de Winterthour, ont annoncé l’acquisition massive de 3000 paires de lunettes.
En Suisse romande, on se penche donc sur l’objet. La police genevoise indique son intérêt mais dit «ne pas en avoir encore acheté», sans plus de précisions à ce stade. A Neuchâtel, le porte-parole Pierre-Louis Rochaix signale que «la police neuchâteloise étudie la question». De même chez les TL: Valérie Maire note que «nous évoquons cette possibilité dans le cadre des réflexions sur la recrudescence des agressions au laser portatif, à propos d’une solution technique. Nous attendons d’avoir un peu de recul.» Cette année pourrait être celle de l’équipement des agents publics. Après une année de tests, les CFF recevront les résultats des expériences durant les prochaines semaines, pour arrêter ensuite une stratégie.
Le débat politique, lui, reste intense. Ce printemps, le Conseil national a plébiscité une motion en faveur d’une modification du Code pénal, qui viserait à protéger les professionnels exposés – entre autres, les chauffeurs des transports publics ou les pilotes d’avion. Longtemps réticent, jugeant que le droit actuel suffit, le Conseil fédéral a proposé d’agir par le biais des règles sur la santé publique, au chapitre des dangers liés à certains rayonnements. En consultation, cette piste a été critiquée. Certains partis et cantons jugent qu’il faut préciser les dispositions existantes, d’autres qu’il faut assimiler les pointeurs à des armes.